Aujourd’hui nous,L’équipe de Lybero.net ,n’écrivons pas un article informatif ou instructif sur le chiffrement ou la cybersécurité ; aujourd’hui nous écrivons un article plus politique. Nous dénonçons le choix de Microsoft pour le projet Health Data Hub. Comme l’ensemble des acteurs du numériques français, nous ne comprenons pas le choix fait par le gouvernement. Pourquoi ne pas faire confiance aux entreprises françaises comme OVH qui ont tous les moyens techniques pour mener à bien ce projet ?
Le projet Health Data Hub est un projet intéressant à plus d’un titre. Il y a aujourd’hui en France et dans le monde une vague d’innovation numérique autour de la santé. Lorsque j’étais CPPI (on va dire chargé d’affaires) chez Inria après mes expériences dans le logiciel libre, les projets que je trouvais parmi les plus intéressants étaient ceux liés à la santé. Et cela a une traduction directe : un tiers des projets de startups d’Inria sont dans le domaine de la santé.
Bref IA, données, santé tout cela fait un projet avec un potentiel très intéressant. Bravo pour le projet et l’initiative.
Microsoft n’est pas le problème
Cependant, le choix de Microsoft me met dans une rage froide. Attention, ne nous trompons pas : Microsoft est une entreprise respectable et qui a même perdu l’habitude d’écraser la compétition. On est clairement passé d’une entreprise agressivement monopolistique à une entreprise avec une stratégie d’adaptation (une stratégie « eau ») fluide au marché. Défendant son business, mais comprenant que l’innovation cela passe par la coopération tous azimuts.
Donc Microsoft n’est pas le problème. Le problème est que quand vous voulez créer une industrie, cette industrie est une chaîne avec un ensemble d’éléments. Aujourd’hui dans cette chaîne de valeur dans le numérique, les services cloud quels qu’ils soient ont une place importante. Nous avons en France quelques acteurs importants. Ces acteurs importants ne sont pas dans le top 5 mondial. L’acteur qui, à ma connaissance, se rapproche le plus d’une part de marché importante, c’est OVH (oui, j’ai travaillé pour OVH, je les aime bien), et certainement, après on ne peut pas rayer d’un trait de plumes les acteurs comme Orange, Atos, Bundestelecom, 1&1, …
Je ne vais pas m’étendre sur les arguments techniques qui font qu’OVH est parfaitement capable de répondre à la demande, ni sur l’aspect hébergeur de données de santé (OVH est maintenant hébergeur de données de santé). Imaginer qu’OVH n’a pas les serveurs, le stockage, la bande-passante, la capacité technique pour fournir le service est risible – l’incompréhension des entreprises françaises certifiées hébergeur de données de santé, dont OVH, est plus que compréhensible !
De l’importance de soutenir l’industrie numérique française et européenne
Le marché du Health Data Hub est un marché important parce qu’il est un marché de préfiguration des services futurs. C’est un intermédiaire entre de l’opérationnel pur et la recherche. C’est un excellent moyen d’apprendre à naviguer entre les contraintes légales spécifiques de la santé et les contraintes techniques du cloud associé. Le marché Health Data Hub sert à cela, à préparer la suite. Parce que si dans les projets retenus certains fonctionnent bien, ils vont donner lieu à un déploiement potentiellement important. Donc si vous avez construit vos solutions en vous appuyant sur la solution « tirebouschtroumpf » (Microsoft dans notre cas), quand vous allez passer sur de l’opérationnel, vous allez rester dessus pour des raisons de coût, de fiabilité et de facilité technique.
Donc tous les acteurs européens vont être dans une situation de rattrapage vis à vis de l’offre Microsoft qui elle aura démontré sa fiabilité, son efficacité, … Donc autant dire que bye, bye OVH & co sur ces marchés.
Dans une situation de déséquilibre évident entre les acteurs du marché, si vous laissez faire la main invisible du marché, c’est vite vu, jamais vous n’aurez d’acteurs locaux émergeants. La seule solution est une politique volontaire. Au cas où vous ne seriez pas convaincu, le premier éditeur de logiciel européen est SAP. Son CA 2019 est de 27,5 milliard d’euros; sa dernière valorisation est 144 milliard d’euros. Considérons Microsoft, son CA 2019 était de 112,4 milliard d’euros; sa dernière valorisation est 1420 milliard d’euros (son résultat opérationnel était de 38,4 milliard d’euros supérieur au CA de SAP).
Au passage, les américains ne s’embarrassent pas de ce genre de considération : la défense américaine avait choisi Airbus pour les avions ravitailleurs, le congrès américain a cassé le marché, et finalement Boeing l’a eu. Imagine-t-on la Maison Blanche mettant ses serveurs web chez OVH US ? Non. Imagine-t-on Emmanuel Macron descendant les Champs Elysées en BMW ? Non. L’industrie du numérique européenne existe, se bat, alors par pitié, que l’état fasse ce qui en son pouvoir pour l’aider.